La Liga Iberdrola, nouvelle locomotive du foot féminin ?
Peu en vue sur la scène européenne malgré la percée du FC Barcelone, le football féminin espagnol vient de connaître plusieurs succès. Populaire d’abord, avec un record d’affluence lors du match de championnat au Wanda Metropolitano entre l’Atlético et le Barça en mars dernier. Sportif ensuite, avec une bonne Coupe du Monde, où la Rojita est tombée sans rougir face aux Américaines en huitièmes de finale.
Créé en 1983, le championnat espagnol est d’abord une affaire de clubs basques, quelques fois concurrencé par Madrid et Barcelone. Les premières sections féminines de clubs professionnels à performer sont l’Atlético, l’Espanyol et le FC Barcelone, au tournant des années 1990. Mais les clubs les plus titrés d’alors sont aujourd’hui disparus : Oroquieta Villaverde Madrid et Anorga Kirol KE Guipuzcoa. La province basque compte un autre poids lourd avec Oiartzun KKE Guipuzcoa.
Prise de pouvoir des clubs professionnels
Comme ailleurs, le foot féminin se structure dans les années 2000, avec un nombre croissant de clubs professionnels se dotant d’une équipe féminine. Levante s’en dote dès la fin des années 1990 et remporte le championnat en 2001 et 2002, mais la domination basque se confirme avec les trois titres remportés par l’Athletic Bilbao de 2003 à 2005. Sans pouvoir parler d’un football féminin professionnel, il devient compliqué pour les clubs indépendants de finir sur le podium. La deuxième place du CE Sabadel en 2004 apparaît ainsi comme le chant du cygne des structures entièrement féminines, au moment où le CF Irex Puebla, un titre et trois podiums entre 1999 et 2003, décline.
Aujourd’hui, sur les seize clubs de l’élite, seuls quatre (si l’on compte que le CD Tacon est déjà administré par le Real Madrid) ne sont pas adossés à des structures professionnelles masculines : Logrono, Madrid CFF, Granadilla et Huelva. Le championnat est d’ailleurs géré, indirectement, par la Liga masculine, bien que la fédération ait manifesté son intention de reprendre la main. Le football féminin espagnol se structure, rattrape son retard et la fédération ne veut pas risquer de créer un fossé entre son championnat et la sélection, en particulier dans la formation. Pays imprégné de culture tactique, l’Espagne entend progresser par le partage d’une identité de jeu commune et une professionnalisation maîtrisée. Or, avec les clubs comme seuls gestionnaires, on voit des joueuses étrangères arriver, les premières inégalités salariales se creuser.
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Une attractivité renforcée
Depuis 2011, quand il est redevenu “Primera Division”, le championnat se dispute principalement entre le FC Barcelone, l’Atlético Madrid et l’Athletic Bilbao (21 podiums cumulés sur 24 possibles), malgré un changement d’hégémonie. Après quatre titres d’affilé entre 2012 et 2015, le FC Barcelone a laissé le titre les quatre saisons suivantes, à Bilbao puis trois fois à Madrid. Mais le club catalan n’est pas l’un des plus grands clubs du monde pour rien : en progression constante durant ses huit participations à la Ligue des Champions, jusqu’à se hisser en finale la saison dernière. Il attire les meilleures joueuses du monde, en témoigne la récente déclaration de Megan Rapinoe, qui souhaite y terminer sa carrière. La section féminine profite aussi de l’investissement des dirigeants : dans le nouveau complexe barcelonais, l’équipe féminine jouera dans le stade Johan Cruyff de 6000 places. Loin du record de sa rencontre contre l’Atlético en mars mais plus adapté au quotidien du championnat, ce stade, qui sera aussi occupé par l’équipe réserve, reste néanmoins une infrastructure exceptionnelle pensée pour le développement du foot féminin. Cette saison, le Barça veut tout rafler, et ses adversaires ont déjà subi sa loi : le “premier Classico” contre le futur Real Madrid a été remporté 9-1, et les Catalanes n’ont pas fait plus de détails dans le choc contre l’Atlético avec une victoire 6-1.
Malgré cette lourde défaite, les matelassières ont l’ambition de réaliser une saison semblable à la précédente, avec l’idée de remporter la Coupe de la Reine, après 3 finales perdues. Côté basque, Bilbao apparaît comme le gros le plus en danger. Hors du podium deux fois sur le trois dernières saisons, après y avoir figurer onze saisons de suite, l’Athletic doit faire face à une nouvelle concurrence. Valence progresse, comme la Real Sociedad, qui a remporté la dernière Coupe de la Reine. Surtout, le Real Madrid vient de franchir le pas en rachetant le promu CD Tacon. Jouant encore avec son ancien nom cette année, le club madrilène a recruté de nombreuses internationales (Aurélie Kaci, Sofia Jakobsson, Kosovare Asslani, etc.) et espère rapidement jouer la Coupe d’Europe. 13e après la 3e journée, il faudra sans doute un peu de temps pour que la sauce prenne, et l’ambition de la saison pourrait être d’atteindre un maintien confortable. Mais la capacité d’investissement que représente le Real Madrid ne laisse aucun doute sur le rôle de locomotive qu’est amené à jouer cette équipe dans le futur.
📸🙌 ¡Nuestras capitanas están listas para la nueva temporada! #GoTACON
— CD TACON (@CD_Tacon) September 6, 2019
🇪🇸 @malenaortizcruz
🇫🇷 @AurelieKaci
🇪🇸 @saritaezquerro
🇧🇷 @MorenoThaisa pic.twitter.com/6Um7hT7VuC
Le Real n’est pas le seul à investir dans cette Liga Iberdrola (du nom de son sponsor, déjà). Le nouveau groupe Mediapro, qui bouscule l’équilibre des droits télés, a misé 9 millions d’euros pour diffuser les trois prochaines saisons. Si une rencontre par journée sera diffusée en clair, c’est la première fois qu’un diffuseur paye pour du foot féminin en Espagne. De plus en plus professionnel, médiatisé et attractif, le championnat espagnol s’affirme comme étant un championnat majeur. Dans un paysage du football féminin parfois peu lisible, jusqu’à quel point peut-il émerger ?
Xavier Regnier