Pourquoi la Ligue 1 est-elle malade ?
De la même manière que le niveau d’un joueur français en Premier League, le débat autour du niveau de la Ligue 1 revient inlassablement. De déconvenues en Coupe d’Europe en passant par des matchs vivement critiqués pour leur manque de spectacle, le championnat français souffre de la comparaison avec ses voisins européens. Des leitmotivs souvent invoqués et largement débattus mais dont les racines ne sont clairement pas explicites.
Depuis le début du second millénaire, la Ligue 1 est perçue comme la cinquième roue d’un carrosse européen bien identifié : Bundesliga, Liga, Premier League et Serie A. Si l’ordre des quatre premiers est sujet à débats, sites de rencontres sans inscription puisqu’elle oscille entre la quatrième et la sixième place au classement UEFA. Décriée à l’étranger comme dans l’Hexagone, la « Ligue des Talents » cristallise encore plus les critiques notamment depuis l’avènement de https://www.lafeuilledematch.com/cherche-homme-70-ans/. Qu’en-est-il des critiques et pourquoi la Ligue 1 n’arrive-t-elle pas à se faire sa place parmi les grands championnats du Vieux Continent ? Eléments de réponse.
A quelques jours de la reprise de la saison 2018-2019, La LFP lance sa nouvelle signature "La Ligue des Talents" pour la @Ligue1Conforama qui traduit sa force, son nouveau statut et son ambition ! #LaLigueDesTalents
— Ligue de Football Professionnel (@LFPfr) July 31, 2018
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L'effroyable bilan des clubs français en Coupe d'Europe
Aucun club français n’a réussi à remporter un seul match en Ligue Europa cette saison. Une bien triste statistique qui ne fait malheureusement même pas tâche dans les performances sur la scène européenne des clubs de Ligue 1 ces dernières années. Il n’en fallait pas plus pour que le débat soit relancé. Depuis la saison 2007-2008, la Ligue 1 n’a accouché que d’un seul finaliste (Monaco en 2004) et de seulement quatre demi-finalistes en Coupe d’Europe. Ces résultats placent la France au septième rang des performances européennes selon les pays disputant les compétitions UEFA derrière le Portugal ou l’Ukraine !
Si les épopées de Monaco et de Marseille ainsi que le rayonnement du PSG sur le marché des transferts tentent de sauver la face, difficile de bomber le torse à l’heure où les clubs espagnols font une razzia sur l’Europe. Entre le retour de la Premier League au sommet avec quatre de ses représentants en finale des compétitions européennes la saison passée et les coups d’éclats réguliers des top clubs de Série A et Bundesliga, la Ligue 1 peine à se faire une place dans l’imaginaire collectif. Pis encore, des écuries supposées plus faibles car économiquement moins puissantes parviennent à s’attirer le feu des projecteurs grâce à des parcours remarquables à l’image de la surprenante équipe de l’Ajax d’Amsterdam la saison dernière.
3 - L’Ajax est la 1ère équipe dans l’histoire de la Ligue des Champions à se qualifier pour les demi-finales de l’épreuve après avoir disputer 3 tours préliminaires. Voyage. pic.twitter.com/g6C64dTB4i
— OptaJean (@OptaJean) April 16, 2019
Sur le plan national, certaines contre-performances historiques attisent la tendance à l’auto-flagellation du football français sur la scène européenne. On pense notamment à l’élimination de l’OL par l’APOEL Nicosie en 2012, les remontadas subies par le PSG ou encore le zéro pointé de l’OM dans son groupe en 2013. Les flops sont nombreux et les exploits trop rares. Un constat sans appel qui nous invite à nous questionner sur ses tenants et aboutissants. Pourquoi les clubs français ne sont-ils pas capables d’émerger sur le plan européen comparativement à d’autres clubs désormais bien établis comme le Borussia Dortmund, l’Atlético Madrid ou bien encore Naples.
Evidemment, comparer ces trois clubs aux « gros » de la Ligue 1 peut faire tiquer tant l’écart est abyssal actuellement. Cependant, il faut bien se rappeler que cela n’a pas toujours été le cas. A l’heure où l’Olympique lyonnais dominait le championnat et brillait en Europe, où l’Olympique de Marseille et l’AS Monaco disputaient respectivement la finale de la Coupe de l’UEFA et de la Ligue des Champions (2004), le Borussia Dortmund était sauvé in-extremis de la faillite un an auparavant, le tribunal de Naples proclamait le 3 août 2004 la mise en faillite du club et l’Atlético Madrid était un club du milieu de tableau outre-Pyrénées. Afin de comprendre le pourquoi d’un tel retournement de situation, il est nécessaire de se pencher sur les politiques sportives des clubs de l’Hexagone.
Des politiques sportives schizophrènes
L’entre-soi dans les plus hautes sphères de décision du football français a empêché ce dernier d’emboîter le pas de ses voisins européens. Un système de formation de techniciens trop stéréotypé et en manque d’idée a bridé les conceptions philosophiques du football en France quand les académies allemandes ou espagnoles ne cessent de réinventer le jeu et d’innover. La frilosité des dirigeants et l’absence de goût pour le risque perdurent dans le championnat français. Longtemps, le corporatisme a influé sur la nomination de techniciens à la tête des clubs de Ligue 1. Les mêmes noms reviennent sans arrêt et symbolisent la mentalité du moindre risque des décideurs du football français ainsi que des dirigeants des clubs. En point d’orgue, la transformation de la 18ème place de Ligue 1, auparavant synonyme de relégation directe, en une place qualificative pour des barrages afin de sauver sa peau. Sans surprise, aucun 18ème de Ligue 1 ne s’est retrouvé dans la division inférieure la saison d’après.
Un manque d’ambition qui se retrouve d’ailleurs dans les cellules de recrutement et qui est symptomatique de la schizophrénie de la politique sportive des clubs de Ligue 1. On se repose sur les acquis et se tourne vers des valeurs sûres du championnat ou des révélations des divisions inférieures. Le recrutement est fait de telle sorte à maintenir un certain niveau de performance et non pas l’améliorer. Pourtant, les discours ambitieux ne manquent pas. Dans ce cadre, l’OL fait office de figure de proue. Le club dispose d’un modèle économique serein et en constante croissance qui n’est pas à l’image de son secteur sportif contrairement aux mots de son président. Que penser lorsque la majeure partie du budget des transferts est consacrée au recrutement de joueurs présentés comme prometteurs et non sur des joueurs confirmés susceptibles de faire passer un cap au club sur la scène européenne ? Ainsi, Joachim Andersen, Jeff-Reine Adelaïde et Youssouf Koné ont donc succédé à Martin Terrier, Bertrand Traoré et Léo Dubois. Et pourtant, la donne semblait différente cet été avec l’arrivée de Juninho et Sylvinho. Mais un mauvais début de saison aura suffi à enterrer le projet et la direction lyonnaise fera confiance à un entraîneur qui connaît la Ligue 1, Rudi Garcia évidemment.
L’Olympique Lyonnais informe de la nomination de Rudi Garcia au poste d’entraîneur à compter de ce jour.https://t.co/gtPd3YCgYB
— Olympique Lyonnais (@OL) October 14, 2019
Concrètement, le modèle économique des clubs de Ligue 1 est très clair et se base sur la revente de joueurs formés au club ou achetés à bas prix afin de les faire progresser et d’en espérer une plus-value à la revente. Ainsi, l’OM a fait de son centre de formation une priorité et les mercatos lillois et lyonnais en sont les témoins. Par conséquent, les clubs stagnent voire régressent. La « Ligue des talents » n’a jamais été aussi serrée puisque tous les clubs appliquent la même recette, hormis le PSG. Dans ces conditions, cela s’avère impossible de mener à bien des projets sur le moyen voire le long terme puisque les fruits d’une saison sont immédiatement proposés sur le marché des transferts et les projets tués dans l’oeuf s’ils n’atteignent pas rapidement les objectifs.
Néanmoins, le tableau n’est pas tout noir et l’espoir persiste. Des entraîneurs au profil nouveau se montrent à l’image de Luka Elsner à Amiens ou André Villas-Boas à Marseille. Auparavant, la Ligue 1 a pu accueillir des tacticiens comme Marcelo Bielsa, Sergio Conceicão, Claudio Ranieri ou encore le moins heureux Oscar Garcia. Des entraîneurs dont le profil et le jeu proposé contrastent avec le ronronnement habituel du championnat. Les expériences Bielsa et Conceicão ont par ailleurs ouvert la voie à l’arrivée d’entraîneurs étrangers. Si la Ligue 1 stagne assurément, il ne faut pas pour autant l’enterrer. Les talents sont toujours là et s’exportent bien. Cependant, tant que des solutions pérennes à ces maux n’auront pas été trouvées, ce débat reviendra sur la table chaque année.
Hugo Martin