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Un nouveau virage pour la Mannschaft

Depuis son échec retentissant dès les phases de poules de la dernière Coupe du Monde, la question du déclin de la sélection allemande se pose sérieusement. La Ligue des Nations a d’ailleurs tendu à le confirmer, puisque la Mannschaft a terminé cette nouvelle compétition à la dernière place de son groupe, derrière la France et les Pays-Bas. Pourtant, Joachim Löw, en poste depuis 2006, a été maintenu dans ses fonctions. L’Allemagne a cependant décidé d’amorcer un nouveau virage, mais gare à la sortie de route…

Des maux qui persistent

L’élimination dès les phases de poules de la dernière Coupe du Monde en Russie est tout sauf un accident de parcours pour la Mannschaft, qui avait déjà laissé transparaître de sérieux doutes sur son niveau de jeu lors des matchs amicaux précédant la compétition. Depuis, on ne peut pas dire que la situation s’est vraiment améliorée. Les hommes de Joachim Löw, plus que jamais remis en cause mais maintenu dans ses fonctions, ont de nouveau déçu leurs supporters lors de la Ligue des Nations, dans un groupe toutefois relevé (France et Pays-Bas). 

Surtout, l’Allemagne est confrontée à une vérité difficile à accepter : celle du déclin. Plusieurs champions du monde de 2014 ont pris leur retraite internationale (Klose, Gomez, Lahm…) et d’autres n’ont clairement plus leur niveau d’antan (Draxler, Kroos…). Par conséquent, un renouveau s’impose, mais ce dernier, en plus d’être un processus lent à mettre en place, demande également un changement de philosophie de jeu.

Car la Coupe du Monde a montré les limites de la Mannschaft dans son style de jeu basé sur la possession et les attaques placées. En plus d’être trop stérile dans son jeu offensif, et prévisible, la sélection quadruple championne du monde s’est montrée très faible dans son gegenpressing ainsi que dans le domaine défensif. Résultat : une élimination logique, dans un groupe pourtant largement à sa portée.

Un peu plus d’un an après ce fiasco, les hommes de Joachim Löw affichent toujours de cruelles difficultés, sur le plan défensif notamment. Opposés à l’Argentine en amical il y a quelques jours, alors qu’ils menaient de deux buts, ils se sont finalement écroulés au retour des vestiaires pour finalement concéder le nul (2-2) à Dortmund. Il y a un mois, face aux Pays-Bas, même constat : malgré l’ouverture du score de Serge Gnabry, les Allemands ont de nouveau montré leur fébrilité défensive, à l’image d’un Jonathan Tah complètement passé à côté de son match, et se sont finalement inclinés sur le score de 4 à 2. 

Ainsi, malgré quelques progrès par rapport à la Coupe du Monde, notamment dans le secteur offensif où la Mannschaft est moins prévisible désormais, elle reste loin de son statut de meilleure nation mondiale à l’issue de la Coupe du Monde de 2014 au Brésil, en témoigne sa fébrilité défensive.

Les choix forts de Joachim Löw

Il était clairement l’homme à abattre au lendemain de l’élimination allemande de la Coupe du Monde. Pourtant, il n’a pas été démis de ses fonctions, lui qui est à la tête de la sélection depuis 2006 maintenant, une durée assez inédite de nos jours. 

Cela dit, malgré sa confirmation dans ses fonctions, Joachim Löw restait sérieusement menacé, voilà pourquoi l’entraîneur âgé de 59 ans s’est immédiatement remis au travail afin de redresser la barre.

Pour marquer les esprits et espérer provoquer un déclic au sein de son effectif, il n’a pas hésité à effectuer des choix forts, comme celui d’écarter  trois champions du monde qui évoluait alors au Bayern : Jérôme Boateng, Thomas Müller et Mats Hummels (désormais à Dortmund). Une décision qui a surpris beaucoup de monde, et pas seulement en Bavière. Le technicien allemand s’est justifié, affirmant qu’il était temps d’apporter du renouveau à la sélection. Une raison parmi tant d’autres, quand on sait à quel point Boateng et Müller éprouvent beaucoup de difficultés à retrouver leur niveau de 2014.

La stratégie de Löw semble claire : donner leur chance aux jeunes, afin de concrètement renouveller une sélection en pleine phase de transition. Désormais, les clés semblent avoir été confiées à des joueurs comme Joshua Kimmich, Serge Gnabry, Leroy Sané ou encore Kai Havertz ; des joueurs absents du triomphe de 2014.

Si ces choix forts opérés par Löw ont le mérite d’essayer de faire bouger les choses, ils n’ont pour l’instant pas vraiment porté leurs fruits. En effet, l’assise défensive de la Mannschaft est toujours aussi fébrile, ce qui ne doit pas manquer d’agacer Mats Hummels et Jérôme Boateng, tous deux écartés de la sélection. Surtout, certains observateurs reprochent un manque de pertinence dans les choix du sélectionneur, qui a par exemple décidé de ne pas écarter Toni Kroos, pourtant décevant depuis un moment maintenant.

Une philosophie de jeu totalement revue

Cela avait été l’un des reproches principaux adressés à l’encontre de la Mannschaft suite au fiasco de 2018, au-delà encore du manque d’implication des joueurs. En effet, le style de jeu de la sélection, basé sur de longues phases de possession avant de trouver le décalage n’a clairement pas porté ses fruits, bien au contraire. Lors de leur entrée en lice face au Mexique, en plus de ne pas s’être montrés menaçants, les Allemands s’étaient complètement exposés aux contres adverses. 

Deux options tactiques semblaient alors s’offrir à Joachim Löw pour tenter de remédier à ce problème. La première aurait été de ne pas totalement remettre en cause sa philosophie de jeu, mais de travailler davantage le gegenpressing de la Mannschaft, pour lui permettre d’annihiler tout début de contre-attaque adverse. Une technique très appréciée des entraîneurs allemands, et qui a souvent porté ses fruits : on peut penser ici au Bayern Munich de Jupp Heynckes, auteur du triplé en 2013, ou plus récemment, le Liverpool de Jürgen Klopp, tenant du titre en Ligue des Champions.

Cependant, Löw a opté pour la deuxième option, à savoir un changement brusque de philosophie de jeu. Les premiers signes de ce revirement on été visibles en Ligue des Nations, lors du 0-0 entre la France et l’Allemagne, match lors duquel les coéquipiers de Manuel Neuer étaient restés fidèles à leur style de posession (61%), mais n’avaient pas effectué le moindre gegenpressing à la perte du ballon, privilégiant un regroupement immédiat pour bien défendre en bloc, quitte même à comettre la faute pour éviter le départ d’une contre-attaque adverse. Une approche plus pragmatique, étape obligatoire dans l’esprit du sélectionneur allemand pour redonner confiance à ses troupes.

 

Depuis, difficile de reconnaître la Mannschaft éliminée prématurément en Russie, si bien que l’on croirait qu’elle a destitué son entraîneur. En effet, les Allemands privilégient désormais un jeu d’attaques rapides, un style plus conforme aux profils offensifs dont disposent actuellement la sélection, dont les moteurs principaux sont Serge Gnabry, Leroy Sané ou encore Timo Werner. Bien que les deux premiers cités soient également redoutables en 1 contre 1 et habitués à devoir travailler face à des blocs bas en club (respectivement au Bayern et à Manchester City), ils sont également très efficaces en contre, grâce à leur vitesse.

 

Cependant, en optant pour cette nouvelle philosophie de jeu, l’Allemagne doit impérativement progresser en phase défensive. Car baser sa stratégie sur les contre-attaque sous-entend une capacité à défendre en bloc face à l’adversaire pendant 90 minutes, ce qui recquiert une lucidité très importante. Et pour le moment, la Mannschaft n’en est qu’à un stade d’expérimentation, car encore incapable de proposer un contenu cohérent durant 90 minutes, d’où ses difficultés en fin de match depuis quelques temps.

 

Joachim Löw semble donc toujours en quête d’équilibre, et alterne entre une défense à trois et une défense en quatre, sans vraiment avoir trouvé la bonne formule. De plus, il doit composer avec des profils assez différents, et sa sélection ne semble pas pouvoir uniquement se contenter d’évoluer en contre. Effectivement, les joueurs comme Marco Reus, Kai Havertz ou encore Joshua Kimmich sont bien plus performants lorsque le ballon est entre leurs pieds que lorsqu’ils doivent défendre.

Si le sélectionneur allemand a le mérite d’avoir entrepris de profonds changements pour tenter de faire renaître la Mannschaft, il lui reste encore beaucoup à faire, alors que l’Euro 2020 approche à grands pas, et que la patience des supporters allemands a ses limites…

Paul Stefani

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