Paul

Gladbach-Bayern : un résultat décisif pour le titre ?

On joue depuis 92 minutes hier au Borussia-Park, quand sur une nouvelle offensive lancée par les locaux, Javi Martinez fauche Marcus Thuram dans la surface bavaroise. Auteur du but de l’égalisation plus tôt dans le match, Ramy Bensebaini prend ses responsabilités, et trompe Manuel Neuer pour offrir un succès de prestige au Borussia Mönchengladbach, face au septuple tenant du titre en Bundesliga.

Un résultat qui était peu envisageable à l’issue d’une première mi-temps complètement dominée par le Bayern Munich. Mais comme trop souvent ces dernières saisons, le Rekordmeister s’est montré incapable de proposer une prestation aboutie sur l’intégralité de la rencontre. Retour sur un match qui s’avèrera peut-être décisif dans la course au titre.

La 1ère mi-temps : un Bayern concquérant, un Gladbach hésitant

C’est un Marco Rose confiant qui vient saluer le banc du Bayern à quelques secondes du coup d’envoi. L’air de rappeler aux visiteurs qui est l’actuel patron du championnat, Gladbach comptant quatre longueurs d’avance sur eux avant le début de la rencontre.

Et pourtant, les hommes de Marco Rose peinent à perturber leur adversaire du jour lors des 45 premières minutes. Ses quelques circuits de relance depuis l’arrière rapidement obstrués par le pressing bavarois, Gladbach ne parvient pas à poser le pied sur le ballon. Les Munichois, eux, récitent leurs gammes, grâce à un gegenpressing particulièrement efficace. Le léger changement tactique opéré par Hansi Flick suite à la sortie de Tolisso sur blessure (repositionnement de Müller au milieu en raison de l’entrée de Perisic) ne bouleverse rien : le Bayern a la mainmise sur le match.

Les rares frissons qui parcourent l’échine des supporters munichois, causés par les difficultés de Jérôme Boateng dans son duel face à Marcus Thuram, sont vite effacés par la capacité des coéquipiers du champion du monde allemand à trouver de la verticalité dans leur jeu de passes. Après un début de match hésitant, à l’image d’ailleurs de son début de saison, Thiago Alcantara semble progressivement retrouver des couleurs, et ses excellentes orientations de jeu font mal à des Poulains chahutés, mais concernés.

Car le Bayern a beau dominer, le score reste nul et vierge. Ni Thomas Müller, ni Robert Lewandowski ne parviennent à trouver le fond des filets, et le douloureux souvenir de la défaite du week-end dernier face au Bayer Leverkusen, malgré les nombreuses occasions bavaroises, fait son nid dans l’esprit des joueurs. Une fois encore, le Rekordmeister se montre inefficace sur ses temps forts.

La 2ème mi-temps : la révolte des Poulains, face à un Rekordmeister démuni

Le résumé de la seconde période pourrait tenir en une courte phrase dans la bouche d’un supporter munichois : le Bayern a marqué, puis le Bayern s’est écroulé. En effet, l’ouverture du score d’Ivan Perisic n’a clairement pas eu l’effet escompté par Hansi Flick et son staff, tant leurs joueurs ont déjoué à compter de ce but. 

Tout le contraire d’une équipe de Gladbach qui, piquée au vif, est enfin parvenue à exprimer son potentiel, avec un bloc positionné beaucoup plus haut sur le terrain. Surtout, on a retrouvé l’intensité qui faisait la force des Poulains depuis le début de la saison. C’était désormais au tour du Bayern de ne plus parvenir à ressortir proprement les ballons, tant le pressing à la perte imposé par les joueurs de Marco Rose était impérial. Ce dernier, voyant que son équipe avait pris le dessus, a ingénieusement fait rentrer un attaquant, Breel Embolo, à la place d’un milieu, Laszlo Benes, apportant ainsi davantage de présence dans la surface bavaroise. C’est d’ailleurs le nouvel entrant qui obtient le corner amenant le but de l’égalisation, inscrit par Ramy Bensebaini.

Si les Poulains ont eu le mérite de ne pas baisser les bras, malgré une première période délicate, leur succès est en partie lié aux carences affichées par leurs adversaires au fil de la rencontre. Le champion d’Allemagne a en effet donné l’impression de se reposer sur ses lauriers suite à l’ouverture du score, n’imprimant plus le même rythme qu’en début de match. 

Hansi Flick peut se plaindre de performances individuelles calamiteuses, à l’image d’un Leon Goretzka de nouveau transparent au milieu, ou d’un Kingsley Coman qui n’en finit plus de stagner depuis deux saisons maintenant. Il n’en reste pas moins que les supporters munichois auraient tort de se cacher derrière ce genre d’excuses, tant la prestation collective de leur équipe après l’ouverture du score a été indigne de son statut de septuple tenant du titre.

Le tournant de la saison ?

S’il est encore trop tôt pour affirmer que le Bayern a perdu le titre sur ce match, l’écart s’est clairement creusé au classement : Gladbach compte désormais sept longueurs d’avance sur son adversaire du week-end, qui pointe à une inquiétante septième place de Bundesliga.

On se souvient cependant de la situation de l’an passé où, alors que le Borussia Dortmund avait distancé le Bayern Munich, les hommes de Niko Kovac avaient finalement déjoué les pronostics pour préserver leur couronne. La problématique est la suivante : le Rekordmeister ne fait plus face qu’à un seul concurrent, mais bien à deux. En effet, le RB Leipzig de Julian Nagelsmann se présente également comme un prétendant au titre à ne pas prendre à la légère. Les fans du football allemand sont ainsi peut-être sur le point d’assister à une saison historique, qui mettrait à mal l’hégémonie des Bavarois sur la Bundesliga, et qui verrait le retour en grâce du Borussia Mönchengladbach.

A condition bien sûr que les Poulains continuent de galoper en tête jusqu’à la 34ème journée.

Paul Stefani

Gladbach-Bayern : un résultat décisif pour le titre ?

Pep Guardiola : Entre amour et désamour

Adulé par certains, vivement critiqué par d’autres, Pep Guardiola ne laisse personne indifférent. Parti à la conquête de la Premier League il y a trois ans maintenant, il a mis tout le monde d’accord en remportant deux titres de champion d’Angleterre consécutifs, malgré une concurrence des plus féroces. Et pourtant, le technicien catalan suscite toujours autant d’interrogations, et son travail est systématiquement remis en cause. Zoom sur l’un des entraîneurs le plus populaire de sa génération.

Identité de jeu et progression des joueurs

S’il y a bien une chose que Pep Guardiola a systématiquement réussi, c’est imprimer sa vision du football aux équipes qu’il a entraînées. Un football offensif, spectaculaire, reposant sur des longues phases de possession afin de trouver le bon décalage, au bon moment. Un style de jeu auquel on a pas tardé à donner un petit surnom : le tiki-taka. De quoi agacer le concerné qui rejette avec véhémence cette appellation, qui n’a d’après lui rien à voir avec son style de jeu.

En effet, par définition, tiki-taka renvoie à un style de jeu basé sur une possession sans but précis. Or, dans l’esprit de Guardiola, le jeu de possesion de son équipe a un objectif particulier : marquer. Cela ne l’avait pas empêché, lors d’une rencontre de Ligue des Champions disputée face à Arsenal alors qu’il entraînait le Bayern Munich (2014), de dire à ses joueurs :

 

Pour une fois, je veux que vous fassiez exactement ce que je déteste le plus, ce que je vous ai dit être de la merde. Du tiki-taka. Je suis désolé, mais aujourd’hui, je veux que vous fassiez exactement cela, juste pour un moment. Passez le ballon sans but. Passez le ballon juste pour passer le ballon. Vous allez vous ennuyer et vous aurez l’impression que c’est un exercice inutile, mais il y a une raison. Nous voulons garder la balle et ennuyer Arsenal à mourir, les empêcher de nous prendre la balle. Ils finiront par se rendre compte que tout leur pressing est inutile parce qu’ils ne seront jamais à portée du ballon. Vous n’aurez pas besoin de moi pour vous dire quand passer à autre chose. Au bout de dix minutes, quand vous pourrez voir qu’ils sont à court d’essence, qu’ils s’ennuient et qu’ils perdent espoir, quand vous verrez qu’ils ne chassent plus la balle avec autant d’agressivité, messieurs, c’est à ce moment-là que je veux que vous commenciez le véritable match. C’est à ce moment-là que nous arrêtons le tiki-taka et commençons à jouer notre football.”


Sa plus grande réussite semble donc d’être parvenu à inculquer cette idéologie de jeu à Manchester City, dans un championnat historiquement réputé pour son aspect physique, souvent dominant sur l’aspect tactique. Si l’adaptation a mis un peu de temps, la première saison des SkyBlues étant pour le moins décevante, cela en valait finalement la peine. Depuis, les coéquipiers de Kévin De Bruyne, devenu une pièce maîtresse du système citizen, raflent tout sur la scène nationale. L’an passé, en plus du championnat, Guardiola et ses hommes ont également remporté le Community Shield, la League Cup ainsi que la Cup, venant étoffer encore un peu plus le palmarès du technicien catalan.

Si Pep Guardiola voue une fidélité sans faille à ses principes de jeu, cela ne l’a pas pour autant empêché de s’adapter selon certaines situations qu’il a traversées. En 2015, à l’occasion d’une demi-finale aller de Ligue des Champions disputée avec le Bayern sur la pelouse du Barça, il avait alors accepté de renoncer à son jeu de possession habituel, lui préférant une approche plus défensive. A l’arrivée, une défaite sur le score de 3 à 0, plutôt lourde au vu du match où les Munichois étaient parvenus à résister longtemps aux offensives adverses. 

L’autre grande force de Pep Guardiola réside dans sa capacité à faire progresser, parfois de manière fulgurante, ses joueurs. Une qualité qui doit très fortement jouer en sa faveur dans le vestiaire, et qui explique pourquoi celui-ci est toujours resté très impliqué. 

A Manchester, le tacticien espagnol a fait passé un cap à un joueur que beaucoup d’observateurs considéraient déjà comme ayant atteint son plafond de verre, à savoir Raheem Sterling. L’attaquant anglais est devenu un redoutable finisseur sous les ordres de son nouvel entraîneur, devenant un pion essentiel dans l’animation offensive des Citizens, et ce malgré une forte concurrence à son poste.

Quand il était en charge du Bayern, Pep Guardiola a notamment su tirer le meilleur de plusieurs joueurs, certains d’ailleurs devenus méconnaissables aujourd’hui. On pense notamment à Jérôme Boateng, un joueur qu’adorait Guardiola, et à qui il a confié une sorte de rôle de “quaterback” afin de casser les lignes adverses.

Le meilleur exemple reste sans aucun doute celui de Joshua Kimmich, arrivé en Bavière en 2015, en provenance de la Bundesliga.2. Comme le raconte le joueur dans The Players Tribune, c’est bien le technicien catalan qui a insisté pour qu’il rejoigne le Bayern Munich. La saison suivante, il n’hésitera d’ailleurs pas à donner du temps de jeu à un joueur alors méconnu des fans de l’Allianz Arena. 

Quatre ans plus tard, Joshua Kimmich est devenu indéboulonnable en club et en sélection, et il est d’ailleurs plus que probable de le voir, dans un futur proche, en porter le brassard de capitaine.

Echecs en LDC et syndrome de la comparaison

Si Pep Guardiola a toujours brillé avec ses équipes dans les compétitions disputées sur le sol national, on lui reproche en revanche d’avoir contre-performé trop souvent en Ligue des Champions.

C’est d’ailleurs l’argument qui revient souvent dans la bouche de ses détracteurs : il n’a jamais remporté la Ligue des Champions avec un autre club que le Barça. Lors de ses trois années passées sur le banc du Bayern, il se sera systématiquement heurté au stade des demi-finales, si l’on regarde le verre à moitié vide. 

Finalement, c’est surtout du côté de Manchester City que ce défaut rejaillit le plus, alors que Guardiola n’a disputé aucune demi-finale en trois ans. 

Mais alors, d’où provient le problème ? D’une idéologie de jeu incompatible avec la Ligue des Champions ? C’est ce que beaucoup d’observateurs considèrent, alors que l’infériorité numérique des Citizens en phase défensive a régulièrement été l’une des causes de leurs échecs dans la compétition.

Autant dire que l’ancien coach du Barça va être scruté de près à l’occasion de cette édition 2019-2020 de la Coupe aux grandes oreilles, dans laquelle City joue gros, car déjà distancé en Premier League par Liverpool.

Un autre facteur, extérieur cette fois, explique également pourquoi l’image de Pep Guardiola est si controversée. Il s’agit de ce besoin perpétuel, dans nos sociétés actuelles, d’avoir recours à des comparaisons afin de déterminer une hiérarchie, de déclarer qui est le meilleur, et qui est le moins bon. On le voit notamment à travers le duel Cristiano Ronaldo-Lionel Messi, systématiquement évoqué dans la sphère médiatique et sur les réseaux sociaux. Mais ce culte de la comparaison se retrouve également à l’échelle des tacticiens ; ainsi, depuis deux ans maintenant, on assiste à un nouveau duel créé de toutes pièces par les réseaux sociaux : Klopp VS Guardiola.

Forcément, cette configuration tend à motiver chacun à trouver des arguments afin de dévaloriser l’un par rapport à l’autre, ce qui explique ainsi pourquoi ces entraîneurs voient leur image transformée, car manipulée au quotidien par tous. 

Par exemple, depuis quelques mois, une nouvelle tendance contre Guardiola s’est diffusée sur Twitter, reprochant à l’entraîneur de Manchester City d’exagérer ses gestes et son coaching en présence des caméras.

Le symbole des dérives du jeu des comparaisons, dont les arguments finissent inéluctablement par sortir complètement du cadre du débat.

Paul Stefani

Pep Guardiola : Entre amour et désamour

Médias et Équipe de France : Scènes de ménages perpétuelles

La Fashion Week. Voilà à quoi des journalistes de BFM TV ont comparé l’arrivée des Bleus à Clairefontaine, à l’occasion de la trêve internationale.

Une sortie qui a bien évidemment fait réagir la sphère footballistique française, y compris certains joueurs comme Wissam Ben Yedder, qui n’ont pu s’empêcher de critiquer la chaîne d’informations. 

Une Coupe du Monde n’aura donc pas suffi pour apaiser le clivage entre l’Equipe de France et la sphère médiatique française ? Retour sur une relation très particulière, qui a connu de nombreux bouleversements au cours des dernières années.

De scandale en scandale

Pour mieux comprendre les causes de cette relation conflictuelle entre les médias et l’Equipe de France, il convient de revenir un peu en arrière.

Depuis les années 2000, de nombreux scandales ont éclaboussé la selection double championne du monde aujourd’hui, et dont les médias se sont rapidement emparés afin d’en éclaircir les faits.

Ainsi, à partir de 2008, la tristement célèbre Affaire Zahia éclate au grand jour, mettant à l’origine en cause Karim Benzema et Franck Ribéry, tous deux accusés d’avoir entretenu une relation avec la dénommée Zahia, alors mineure. 

Cette affaire, bien qu’elle ne concernait que deux joueurs de l’effectif, a evidemment engendré beaucoup de défiance de la part de l’opinion publique à l’égard des Bleus, le tout exacerbé par les investigations menées par de nombreux journalistes.

C’est ce développement de la presse à scandales qui explique donc en partie ce rapport conflictuel entre médias et Equipe de France, qui symbolise alors à l’époque une forme de fracture entre l’opinion publique française et sa sélection. Une fracture qui s’accentue suite à la crise de Knysna, lors de la Coupe du Monde de 2010, en Afrique du Sud.

Accusé d’avoir insulté son sélectionneur Raymond Domenech, Nicolas Anelka est suspendu par la FFF. Dans la foulée, une scène alors inconcevable se produit : les Bleus refusent de descendre de leur bus pour aller s’entraîner, et seront éliminés dès les phases de poules de la compétition.

La presse s’empare bien évidemment de ce qui apparaît alors déjà comme l’une des crises majeures du football français, et contribue donc à creuser encore un peu plus le gouffre qui sépare les Français de cette sélection qu’ils chérissaient tant en 1998.

Si les médias ont joué un rôle essentiel dans ce processus, comme en témoigne la une de l’Equipe au lendemain de l’affaire, ils ont également contribué à reconstruire progressivement une sélection meurtrie par cette crise sans précédents.

Seulement voilà, si cette crise a en effet permis un renouvellement quasiment complet de l’effectif et de son staff, elle n’a pas pour autant été le dernier évènement douloureux pour l’image de l’Equipe de France. L’affaire de la sextape, qui a opposé Karim Benzema à Matthieu Valbuena en 2015, a également fait couler beaucoup d’encre.

Les médias ont de nouveau joué un rôle central dans cette affaire, l’exposant dans ses détails les plus minutieux à une opinion publique qui semblait pourtant avoir pardonné petit à petit une sélection française sur le chemin de la repentance. 

S’il apparaît difficile de critiquer l’attitude des médias français à l’égard de ces trois crises, en raison de leur gravité notamment, car cela reviendrait à remettre en question la vocation même du journalisme, à savoir informer ; le traitement médiatique qui se poursuit à l’égard des Bleus aujourd’hui apparaît quant à lui beaucoup plus contestable.

La fameuse sortie d’Anne-Sophie Lapix, qui avait déclaré en amont de la Coupe du monde 2018 qu’on allait “pouvoir regarder des millionnaires courir après un ballon”, semble bien moins fidèle au rôle des médias, et n’avait d’ailleurs pas manquer de provoquer la polémique. 

Les plus audacieux diront alors que c’est grâce à ce commentaire désobligeant que les Bleus, piqués au vif, ont  soulevé le trophée quelques semaines plus tard…

La coupe du monde 2018 : un simple arc-en-ciel temporaire ?

La quasi-totalité des auteurs qui se sont attardés sur le sujet sont catégoriques : les compétitions sportives internationales rassemblent. Le football n’y échappe pas, comme en témoigne les nombreuses scènes de liesse dans les stades, les larmes de joie – ou de tristesse – et l’anxiété qui peut se lire sur les visages de tout un peuple.

L’été 2018 a ainsi été un moment inoubliable pour la grande majorité des Français, qu’ils soient étudiants ou retraités, consommateurs réguliers ou occasionnels de football. 

De là à marquer un tournant considérable dans le rapport entre l’opinion publique et la sélection ? La réponse semble claire : oui. Cependant, il ne faut pas oublier que la réconciliation entre les Français et leur équipe a été un long processus, dont beaucoup n’envisagaient même pas la possibilité suite aux nombreux scandales qui avaient ébranlé la sélection depuis le début des années 2000. Et pourtant, l’arrivée d’une nouvelle génération, ainsi que l’organisation sur le sol national d’un Euro 2016 au dénouement tragique, jusqu’à la gloire de l’été 2018 : tout se sera fait par étapes. 

Les médias, eux, semblent pour certains ne pas avoir tourné la page, comme en témoigne ces critiques récurrentes vis-à-vis des joueurs, dont la dernière en date reste celle des journalistes de BFM TV à l’arrivée des Bleus à Clairefontaine, reprochant à ces derniers leurs habits de luxe. On assiste finalement à une forme de passation de pouvoir entre une presse jusque là considérée comme une presse d’informations, à une presse d’opinions. L’acharnement médiatique de certains journalistes accusant le sélectionneur Didier Deschamps de faire preuve de racisme au moment de ses choix en témoigne également.

Mais un autre acteur, sans doute le plus important d’ailleurs, rentre en jeu : l’opinion publique. Si les médias entretiennent effectivement cette dangereuse faculté, pour certains, à modeler à leur guise l’avis des citoyens, il semblerait que l’opinion publique accorde de moins en moins d’importance aux critiques prononcées par de nombreux journalistes à l’égard des Bleus.

Ainsi, la dernière sortie de BFM TV a profondément agacé bon nombre d’internautes, qui n’ont d’ailleurs pas manqué de s’attaquer verbalement à la chaîne d’informations, qui fait déjà l’objet de profondes exaspérations.

Hypermédiatisation et football

On touche là un enjeu central dans nos sociétés actuelles, et qui ne relève pas uniquement de la sphère footballistique. 

Aujourd’hui, la moindre information se propage à une vitesse surprenante, souvent sans avoir été vérifiée, ce qui tend donc à se rapporcher de la désinformation.

Pire, il est de coutume désormais de constamment chercher à disséquer le moindre fait, pendant des heures, ce qui contribue également à lasser une partie de l’opinion publique, dont la méfiance à l’égard des médias s’est d’ailleurs considérablement accrue ces dernières années.

Il faut dire que ces derniers ont une grande part de responsabilité dans cette fracture, la faute notamment à la propagation de fake news. Le journal L’Equipe, quasiment intouchable en France, s’est notamment vu accusé d’avoir présenté de fausses informations sur le PSG à plusieurs reprises. On se souvient, entre autres, de la rumeur diffusée par le quotidien sportif français qui affirmait qu’à l’occasion du  PSG-Real de mars 2018 au Parc des Princes, le club de la capitale aurait demandé à ce que le bus transportant les Madrilènes ne soit pas escorté.

Des défauts d’information graves, surtout quand ils proviennent du média qui détient le monopole de la presse sportive en France, et qui prolongent donc un peu plus cet enjeu de l’hypermédiatisation. 

Parallèlement, une partie de l’opinion publique a également sa responsabilité, par rapport à son comportement sur les réseaux sociaux notamment. Beaucoup ne prennent pas le temps de prendre du recul par rapport à une information qui leur est fournie, et se contentent de la partager immédiatement – souvent pour faire le buzz – sans vraiment s’intéresser à sa source. 

Un autre phénomène dangereux, et qui rejaillit beaucoup dans la sphère footballistique, est celui de l’interprétation et de la modification systématique d’une information. On assiste à une sorte de téléphone arabe entre plusieurs protagonistes qui vont chacun leur tour, et souvent inconsciemment d’ailleurs, modifier une information initiale qu’ils auraient mal comprise. 

Ainsi, après avoir assisté dans un premier temps à une forme de fracture entre l’opinion publique française et les Bleus, on semble désormais davantage tendre vers une fracture entre l’opinion publique et certains médias français, qu’un succès en Coupe du Monde n’aura donc pas suffi à effacer, bien au contraire. 

Cette crise, bien partie pour durer, est loin d’être anodine, et n’existe d’ailleurs pas exclusivement en France à l’heure actuelle.

Paul Stefani

Médias et Équipe de France : Scènes de ménages perpétuelles

Marco Rose et Gladbach : une relation haute en couleurs

C’est la tendance de ce début de saison en Bundesliga. Discrets, silencieux, mais d’une efficacité redoutable, les Poulains du Borussia Mönchengladbach occupent seuls la tête du championnat, après 11 journées. Mais cette dynamique est-elle réellement amenée à se poursuivre ? Alors que la plupart des regards sont davantage rivés sur les difficultés du Bayern Munich et du Borussia Dortmund, le moment est venu d’analyser les clés du succès des actuels leaders de Bundesliga.

Le phénomène Marco Rose

Résumer la réussite du club allemand à une personne, à savoir son entraîneur, paraît un peu réducteur. Néanmoins, ce dernier s’impose véritablement comme le grand artisan du bon début de saison des Poulains.

Habitué à disputer des joutes européennes depuis plusieurs saisons maintenant, le Borussia Mönchengladbach souhaitait cependant faire franchir un cap à un effectif qui semblait jusque-là limité. Exit Dieter Hecking, le choix d’un successeur en mesure de tirer le meilleur de l’ensemble des joueurs est alors devenu primordial. Et, à l’arrivée, des plus pertinents.

Peu connu en Europe, Marco Rose a pourtant déjà clairement fait ses preuves en Autriche, à la tête du Red Bull Salzbourg. Là-bas, le technicien allemand a gravi les échelons à une vitesse surprenante, sans jamais paraître dépassé par les événements. Après avoir remporté la Youth League en 2017, il succède à Oscar Garcia sur le banc de l’équipe première pour la saison 2017-2018. Champions d’Autriche à l’issue de la saison, les joueurs de Salzbourg se font surtout remarqués lors d’une campagne d’Europa League féerique, qui se terminera finalement face à l’Olympique de Marseille, en demi-finales. La saison suivante, Marco Rose et ses hommes signent le doublé coupe-championnat, pour le plus grand bonheur des fans.

Au-delà de sa capacité à remporter des titres, l’ancien joueur d’Hanovre et de Mayence dispose également d’un plan de jeu précis, qui a fait la force du Red Bull Salzbourg et qui, pour le moment, semble également bien fonctionner de l’autre côté de la frontière autrichienne. Adepte d’un style offensif, basé sur un gegenpressing intense ainsi qu’un jeu vertical, le coach allemand s’inscrit dans la lignée de plusieurs de ses homologues, comme Julian Nagelsmann et… Jürgen Klopp.

Si la comparaison avec ce dernier peut paraître flatteuse, elle n’en est pas pour autant dénuée de sens. Les deux hommes se connaissent bien, et se sont croisés du côté de Mayence dans les années 2010. L’actuel entraîneur de Liverpool ne tarit d’ailleurs pas d’éloges au sujet de celui que de plus en plus considèrent comme son “disciple” : “Il pourrait réussir n’importe où. Il est le coach le plus en vogue du moment, celui qui suscite l’intérêt de tout le monde”.

Dans le jeu, on retrouve en effet des similitudes entre les deux entraîneurs. Rose base en effet essentiellement sa philosophie sur un pressing travaillé, censé permettre à ses joueurs de se projeter plus facilement vers le but adverse. Il incarne également le profil du coach moderne, comme en témoigne le choix de son adjoint, René Maric, âgé de seulement 29 ans, et dont la trajectoire fascine. Co-fondateur d’un site internet spécialisé dans les analyses tactiques, il n’a pas tardé à taper dans l’oeil du centre de formation du Red Bull Salzbourg, qui lui a proposé un poste. Le voilà désormais adjoint de l’un des entraîneurs les plus populaires du moment en Europe, ce qui est loin d’être une coïncidence.

Un effectif en phase avec le projet

Si les choses se passent plutôt bien pour le moment pour Marco Rose à la tête de Gladbach, c’est notamment grâce aux qualités de l’effectif qui répondent parfaitement au plan de jeu du tacticien allemand. Parmi ces qualités, on retrouve bien évidemment le volume de jeu conséquent de certains cadres comme Denis Zakaria ou Matthias Ginter, qui permet donc aux Poulains de mettre en place un pressing très intense et efficace face à leurs adversaires. 

La notion de mouvement, également primordiale dans l’esprit de Rose, est parfaitement appliquée par ses nouveaux joueurs qui font preuve d’une certaine polyvalence, et qui parviennent sans trop de difficultés à se positionner dans les espaces afin de favoriser un style de passes plus vertical, une arme redoutable en Bundesliga quand on connaît notamment les qualités des joueurs en matière de frappes de loin. Le système de Rose oscille ainsi la plupart du temps entre un 4-3-1-2 et un 4-2-3-1 très axial, deux approches qui ont pour le moment fait leurs preuves.

L’ancien technicien du RB Salzbourg peut s’appuyer sur le tandem français Pléa-Thuram en attaque, qui pèse sur les défenses adverses. L’adaptation fulgurante du dernier, débarqué cet été en Bundesliga en provenance de Guingamp, est assez impressionnante et n’est sans aucun doute pas étrangère à l’arrivée de Marco Rose sur le banc des Poulains. Auteur de 5 buts en Bundesliga, le joueur formé à Sochaux ne se résume pas à ces statistiques : il participe activement et avec beaucoup d’intelligence au pressing de son équipe, et son jeu dos au but fait également le bonheur de ses partenaires.

Des débuts à relativiser

Certes, le Borussia Mönchengladbach est actuellement seul leader de Bundesliga, avec 4 longueurs d’avance sur son dauphin, le RB Leipzig. Mais le plus dur commence peut-être pour les hommes de Marco Rose, alors que le Bayern Munich semble avoir retrouvé un second souffle avec Hansi Flick et que le Borussia Dortmund a trop de qualités pour en rester là. 

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les Poulains sont également engagés en Europa League, et que l’enchaînement des matchs pourrait leur faire perdre de précieux points en championnat. Deuxièmes de leur poule, à égalité de points avec l’AS Roma, troisième, les Allemands devront se battre jusqu’au bout pour décrocher leur place en seizièmes de finales. S’ils peuvent se plaindre d’avoir hérité d’un groupe assez relevé (AS Roma, Istanbul Basaksehir), leurs supporters n’ont cependant pas oublié la lourde défaite concédée à domicile face à l’équipe considérée comme la plus faible du groupe : Wolfsberg.

En ce qui concerne la Bundesliga, il ne faut pas oublier de rappeler que les troupes dirigées par Marco Rose n’ont pour le moment pas vraiment brillé face à leurs concurrents de haut de tableau (défaite face au BVB et face à Leipzig). Le mois de décembre, qui les verra notamment accueillir le Bayern Munich et disputer leur survie en Europa League, pourrait bien laisser des traces.

Et craindre de ne plus tellement voir la vie en Rose ?

Paul Stefani

Marco Rose et Gladbach : une relation haute en couleurs

Dortmund – Bayern : 24 à 2 depuis cinq rencontres

24-2. C’est le score cumulé des cinq derniers Klassiker de Bundesliga qui se sont déroulés à l’Allianz Arena. Hier encore, le Borussia Dortmund n’a pas échappé à un tarif devenu habituel (4-0), face à un Bayern pourtant décevant depuis le début de la saison, et qui restait sur une lourde défaite le week-end précédent face à Francfort (5-1). Retour sur un match à sens unique.

Les choix payants d’Hansi Flick

Nommé dans un premier temps en tant qu’entraîneur intérimaire suite au départ de Niko Kovac, Hansi Flick pourrait bien prolonger l’aventure en tant que numéro 1 sur le banc du Bayern. L’ancien adjoint de Joachim Löw avec la Mannschaft a en effet permis aux Munichois de signer une seconde victoire consécutive toutes compétions confondues, sans encaisser de buts, avec pourtant une ligne défensive peu conventionnelle (Davies, Alaba, Martinez, Pavard), aucun d’eux n’évoluant hier à son poste de prédilection.

Mais justement, ces choix, en partie contraints en raison des blessures de Süle et de Hernandez, ainsi que la suspension de Boateng, se sont avérés payants. Alphonso Davies a rendu une copie impeccable au poste de latéral gauche, lui qui est pourtant à l’origine un ailier. Le jeune Canadien s’est montré très concerné, et sa bonne pointe de vitesse lui a permis de parfaitelent annihiler toute tentative de contre adverse.

David Alaba évoluait lui au poste de défenseur central, un rôle qu’il avait déjà exercé à plusieurs reprises sous les ordres de Pep Guardiola. Un autre choix payant de Flick, puisque l’Autrichien a pu apporter tout son sens du jeu dès la première relance, une qualité moins présente chez son partenaire en charnière centrale, Javi Martinez.

De son côté, Benjamin Pavard, de nouveau titularisé au poste de latéral droit, s’est montré très efficace sur les rares montées qu’il a effectuées. C’est lui qui adresse avec beaucoup de lucidité le centre décisif sur le premier but inscrit par Robert Lewandowski.

La principale prise de risque d’Hansi Flick résidait dans son choix des milieux de terrain. Le tout nouveau coach du Bayern avait en effet décidé d’aligner Joshua Kimmich aux côtés de Léon Goretzka, se passant ainsi des services de Thiago Alcantara, sans doute en quelque sorte puni pour son début de saison plus que poussif. Si Goretzka ne s’est pas montré étincelant, il a tout de même eu le mérite de s’employer sur chaque repli défensif afin d’annihiler toute menace de contre-attaque menée par les Jaune et Noirs. De son côté, Joshua Kimmich s’est montré omniprésent à la construction du jeu, comme première rampe de lancement, compensant ainsi le manque de vista de Javi Martinez notamment. Sur le plan défensif, le numéro 32 du Bayern s’est montré très inspiré, auteur de plusieurs interventions cruciales pour stopper les projections offensives adverses. 

Autre réussite de taille dont pourra se vanter Hansi Flick : la titularisation de Thomas Müller. Au-delà de cela, c’est surtout la confiance qu’il a témoigné à l’égard de l’Allemand qui a porté ses fruits, alors qu’on connaît les difficultés de ce dernier depuis plusieurs saisons maintenant. 

On a pas retrouvé certes le prime Müller, mais sa performance d’hier reste cependant intéressante, quand on sait en plus que Coutinho est loin d’être convaincant depuis son arrivée en Bavière. Présent dans les duels, de nouveau déterminé à faire les efforts, Müller s’est montré chirurgical sur les nombreux ballons qu’il a eu à négocier de la tête, dos au jeu. Il a par ailleurs affiché une belle complémentarité avec Robert Lewandowski, adressant une passe décisive à ce dernier pour son doublé.

Un BVB sans rythme, sans intention et donc sanctionné

Avant le début du match, la dynamique semblait clairement à l’avantage du Borussia Dortmund à l’occasion de ce 101ème Klassiker. Malgré un début de saison inconstant, les hommes de Lucien Favre avaient plutôt bien redressé la barre, et restaient sur trois victoires consécutives, dont un succès crucial face à l’Inter en milieu de semaine, alors que les Jaunes et Noirs étaient menés 2-0. 

Seulement voilà, fidèle à sa triste réputation quand il s’agit d’évoluer sur la pelouse de l’Allianz Arena depuis maintenant quatre ans, le Borussia a été transparent, incapable de véritablement rentrer dans son match, à l’image d’un Jadon Sancho, encore trop juste physiquement, qui a du céder sa place avant même la mi-temps.

Incapables d’effectuer un pressing consistant et efficace, les visiteurs ont progressivement perdu la face, affichant un déchet considérable dans leurs passes. Offensivement invisibles, à l’exception d’une occasion de Paco Alcacer en seconde période, finalement non cadrée, les hommes de Lucien Favre n’auront tiré que 2 fois du match, permettant à Manuel Neuer de signer un second clean-sheet consécutif.

Est-ce véritablement la faute de Lucien Favre ? Difficile de l’analyser de la sorte. Certes, les supporters du BVB pourront toujours reprocher au technicien suisse la titularisation de Mario Götze dans un rôle de faux neuf qui n’a absolument pas gêné ses ex-coéquipiers du Bayern Munich.

Pour le reste, ce sont surtout les joueurs qui ont déçu, avec des jambes lourdes visiblement. Et, à l’arrivée, un score encore plus lourd.

L’orgueil du champion

Comme le rappelait Patrick Guillou, consultant de BeinSports, à l’issue du match, c’est principalement l’orgueil du RekordMeister qui aura fait la différence dans ce match.

Pour la première fois de la saison, le Bayern Munich a affiché une maîtrise durant l’intégralité de la rencontre, sans concéder de véritables temps faibles. 

Comment l’expliquer ? Sans doute en raison d’un regain de motivation de la plupart des joueurs, qui savaient hier qu’ils n’avaient plus le droit à l’erreur suite au départ de Niko Kovac. Les efforts effectués par David Alaba et Thomas Müller notamment, en témoignent.

Le Bayern va désormais devoir confirmer que ce regain de forme n’est pas que temporaire, alors que les supporters ne pourront se satisfaire d’autre chose que le titre en Bundesliga. Les prochaines semaines risquent de rester agitées en autour de la Sabener Strasse, alors que le flou persiste autour du cas Arsène Wenger. 

Avec cette semaine aboutie, Hansi Flick aura en tout cas définitivement marqué des points auprès du board munichois.

Paul Stefani

Dortmund – Bayern : 24 à 2 depuis cinq rencontres